Et si vous louiez vos matières premières ?
L'économie servicielle, qui consiste à vendre l’usage ou la fonction d’un produit plutôt que le produit lui-même, n'est pas une idée nouvelle. Depuis des décennies, des entreprises comme Michelin, Rolls-Royce ou Signify ont adopté ce modèle en vendant des kilomètres plutôt que des pneus, des heures de vol plutôt que des moteurs ou de la lumière plutôt qu'un système d’éclairage. Ce modèle, connu sous le nom de "Product as a Service" (PaaS), devient de plus en plus pertinent dans un contexte économique marqué par une concurrence internationale intense, une raréfaction des ressources, la montée de l’économie circulaire et une incertitude économique croissante. Ainsi, de nouveaux secteurs ont adopté ces dernières années ce modèle : les engins de manutention et les machines-outils sont en phase de développement ou de consolidation et des concepts tels que "Battery as a Service" et "Robot as a Service" commencent également à voir le jour. 1
Une tendance qui remonte dans la chaine de valeur
Les signaux émergents indiquent que ces modèles pourraient être étendus aux composants, aux matériaux voire aux matières premières (MaaS). En effet, des entreprises comme Sandvik Materials, spécialisée dans les tubes et profilés en acier, intègrent déjà le rachat de l’acier en fin de vie chez leurs clients. À l’avenir, son modèle circulaire pourrait être étendu et permettre aux clients de payer uniquement l’acier utilisé ou même des abonnements mensuels pour les pièces finies en acier, telles que les tubes des échangeurs de chaleur. 2
De son côté, AITA développe un modèle commercial dans lequel les matériaux et les pièces utilisés pour fabriquer les sièges d'avion sont prêtés aux fabricants et les sièges eux-mêmes prêtés aux compagnies aériennes avant d'être récupérés. 3
Les groupes miniers s’y intéressent aussi tels Vale base Metals évoquant les avantages d’un modèle serviciel et ou encore Glencore qui envisage de louer son Vanadium dans les batteries. 4 Pour ces entreprises, cela permet de constituer des stocks de ressources substantiels (une mine en surface) et d’alléger la pression actuelle axée sur l'extraction des stocks naturels uniquement. Cela permet ainsi de multiples créations de valeur, basées sur la vente de matériaux, les loyers et la gestion de la valeur financière des stocks naturels et urbains.
Un sujet également discuté lors du dernier World Ressources Forum 5 où était mise en avant une volonté émergente des communautés riches en ressources de conserver la propriété des métaux et des minéraux extraits sur leur territoire en les vendant en tant que service. Cela leur permettrait ainsi de conserver le contrôle des ressources et de financer des programmes de développement socio-économique grâce aux paiements des redevances.
Et si vous ne pouviez plus acheter vos matières premières ou composants, mais seulement les louer ?
Ce scénario soulève de nombreuses questions. Au-delà des avantages, il implique des changements profonds des modèles d’affaires, des conceptions et gestions des cycles de vie, des relations clients-fournisseurs, la nécessité de montée en maturité des filières de recyclage et du développement des modèles de traçabilité.
L’économie servicielle représente une transformation majeure du paysage économique. Alors que nous nous dirigeons vers un futur où l'usage pourrait remplacer la possession, il est crucial de comprendre et d'anticiper les défis et opportunités qu’elle présente.
1 https://www.cci-paris-idf.fr/fr/prospective/equipement-serviciel
2 https://engineering-update.co.uk/2020/06/08/steel-the-new-material-as-a-service/
3 https://www.imperial.ac.uk/news/252113/companies-pioneer-materials-service-using-techniques/
4 https://www.hbrfrance.fr/chroniques-experts/2019/10/28008-de-la-sous-traitance-a-la-cooperation-comment-leconomie-de-la-fonctionnalite-revolutionne-les-relations-clients-fournisseurs/
5 https://wrf2023.org/materials-as-a-service-in-the-minerals-and-metals-sector-event-takeaways/
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