7 novembre 2022

Position de la FIM sur le projet de règlement sur l’éco-conception des produits

Contexte et enjeux

Les industriels du secteur de la mécanique soutiennent pleinement les objectifs portés par la proposition de règlement sur l’éco-conception pour des produits durables publiée par la Commission européenne le 30 mars 2022 dans la cadre du Green Deal. La réduction des incidences environnementales des produits sur leur cycle de vie, le développement de l’économie circulaire et l’amélioration du fonctionnement du marché intérieur sont indispensables pour réussir la transition à l’œuvre de notre modèle économique vers un modèle plus circulaire et durable sans compromettre la compétitivité des entreprises ni fausser la concurrence entre les acteurs économiques européens et mondiaux. Cette proposition présente de nombreuses opportunités pour valoriser les efforts déjà réalisés par les industriels de la mécanique pour déployer des offres plus vertueuses. La FIM participe activement aux travaux de concertation organisés par le gouvernement ainsi qu’à ceux de l’Orgalim pour contribuer à inscrire pleinement ce futur règlement dans notre vision de la transition écologique, telle que présentée dans le manifeste dédié publié en 2021[1].

Positionnement général

L’introduction de nouvelles exigences environnementales sur de larges catégories de produits suppose de veiller à la pertinence des caractéristiques et niveaux de performance recherchés, à la cohérence de ces exigences avec les cadres réglementaires existants aux niveaux européen et national et au contrôle effectif de ces mesures. Par ailleurs, le renforcement des exigences de réduction des incidences environnementales des produits implique de ne pas déstabiliser certains modèles d’affaires déjà vertueux et aujourd’hui matures.

Afin que ce règlement puisse déployer tous ses effets, nous identifions plusieurs considérations comme étant essentielles à l’atteinte de ses objectifs et à sa mise en œuvre. En particulier, la FIM demande une meilleure articulation entre ce futur règlement et les autres réglementations en vigueur et à mettre en cohérence la définition de "remanufacturage" avec les pratiques actuelles.

Commentaires généraux

FIM salue le choix de la Commission de recourir à un règlement plutôt qu’à une directive afin de garantir l’harmonisation des exigences d’éco-conception et d’information applicables aux produits sur le marché intérieur ainsi que les dispositifs de surveillance de marché prévus par la proposition de règlement. Ces deux orientations contribuent à prévenir d’éventuels chevauchements, écarts ou incohérences entre les exigences introduites aux niveaux européen et national. Il est également indispensable que les obligations prévues par le ESPR soient pertinentes pour les catégories de produits considérées, fiables et vérifiables. Par souci de cohérence et de lisibilité, les exigences introduites dans le ESPR devraient être alignées avec celles de la loi anti-gaspillage pour une économie circulaire lorsqu’elles portent sur une même caractéristique environnementale.

Le recours aux normes harmonisées, établies au niveau européen en concertation avec les différentes parties prenantes, constitue le meilleur outil pour fournir la présomption de conformité et tenir compte de l'état de l'art. Il sera nécessaire que les actes délégués s’appuient sur les normes existantes ou à venir pour permettre le contrôle des exigences qui seront introduites. Il sera également nécessaire de veiller à une application et un contrôle homogènes de celles-ci par les différents Etats membres.

Nous tenons à souligner le rôle central de la concertation entre les acteurs économiques et les autorités compétentes pour atteindre les objectifs de ce règlement. Nous appelons de nos vœux que la France participe activement aux instances de consultations européennes et crée un groupe de travail miroir des travaux européens pour organiser une consultation des parties prenantes. Cette concertation devrait être effectuée suffisamment en amont compte tenu du grand nombre de catégories de produits amenées à faire l’objet d’actes délégués. 

La définition du remanufacturage risque d’entraver certains modèles d’affaires intégrés dans l’économie circulaire

Les industriels de notre secteur sont préoccupés par la définition proposée du « remanufacturage ». De nombreux modèles d’affaires sont aujourd’hui établis sur le territoire de l’Union européenne dans le domaine de l’économie circulaire et d’autres continuent à émerger, notamment sous l’impulsion de la mise en œuvre du Pacte Vert pour l’Europe. La définition du « remanufacturage » contenue dans la proposition de règlement semble impliquer qu’un produit « remanufacturé » ne peut être juridiquement considéré que comme un produit neuf, même si le produit ou certains de ces composants ont déjà été utilisés. Par conséquent, ces produits devront faire l’objet de l’ensemble des dossiers et tests de conformité auxquels sont soumis les produits nouvellement mis en marché. De nombreux modèles d’affaires aujourd’hui matures risquent d’être entravés par cette définition, notamment concernant la commercialisation de produits d’occasion. Il est essentiel que le règlement n’entrave aucun modèle d’affaires, actuels ou à venir, qui serait vertueux au regard des objectifs de ce règlement. A titre d’exemple, de nombreux composants en parfait état de fonctionnement ne pourraient pas être intégrés dans un produit remanufacturé s’ils contiennent des substances qui ont été encadrées dans les réglementations REACH, POP ou RoHS postérieurement à leur mise sur le marché.  

Une autre définition du "remanufacturage" a été proposée par la Plateforme sur la finance durable dans le cadre de la taxonomie[2] et est davantage compatible avec les pratiques actuelles concernant la commercialisation de biens d’occasion. Selon cette définition : "remanufacturing means a standardized industrial process that takes place within industrial or factory settings, in which products are restored to original as-new condition and performance or better, typically placed on the market with a commercial guarantee". Nous appelons de nos vœux que la définition qui sera retenue dans le règlement sur l’éco-conception pour des produits durables soit compatible avec les différents modèles d’affaires existants, par exemple en reprenant la définition ci-dessus.

La définition des substances préoccupantes risque d’entraîner des contraintes disproportionnées pour les industriels et d’être difficilement applicable

Chevauchements et incohérences entre les exigences prévues par le ESPR et les autres réglementations applicables aux substances

Le projet de règlement prévoit la possibilité d’introduire des restrictions et des exigences d’information au sein de la chaîne d’approvisionnement concernant la présence de substances dites préoccupantes dans les produits. Ces obligations d’information sont similaires à celles de l’actuel article 33 du règlement REACH, qui s’applique à l’ensemble des produits concernant la présence de substances extrêmement préoccupantes. En effet, la proposition de règlement vise à étendre, d’une part, la liste des substances concernées et, d’autre part, les informations devant être communiquées par les différents acteurs de la chaîne d’approvisionnement.

A ce jour, 224 substances sont classées comme extrêmement préoccupantes conformément au règlement REACH et la collecte des informations prévues à l’article 33 génère d’importantes difficultés pour les entreprises situées en aval de la chaîne d’approvisionnement. La définition proposée des substances préoccupantes dans le projet de règlement couvrirait au minimum 8 000 substances[3], auxquelles s’ajouteraient celles qui seraient identifiées comme ayant une incidence négative sur le réemploi et sur le recyclage des matériaux. Par conséquent, l’ambition de la Commission de réglementer l’ensemble des substances dites préoccupantes dans tous les produits soumis au ESPR ne nous semble pas atteignable et interroge son articulation avec le règlement REACH. Par ailleurs, la définition des substances ayant une incidence négative sur le réemploi et le recyclage nous apparaît particulièrement étendue, pourrait conduire à restreindre le recours à la réparation ou au remanufacturage et ne prend pas en compte les bénéfices offerts par le tri et le traitement des déchets pour recycler les produits en fin de vie.

Risque d’exigences contradictoires

Nous tenons à souligner que la Commission s’est fixée l’objectif de tendre vers un environnement exempt de substances chimiques toxiques, y compris dans les matières recyclées, dans le cadre de la stratégie européenne pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques. Cet objectif implique d’associer toute la chaîne de valeur et ne peut pas être atteint à travers la seule composition des produits neufs. Cette proposition de règlement risque d’entraîner des objectifs contradictoires entre, d’une part, des exigences d’intégration de matières recyclées fixées dans les actes délégués et, d’autre part, des interdictions d’utilisation de substances susceptibles d’être présentes dans les matériaux recyclés qui seraient établies dans les actes délégués ou dans les réglementations européennes applicables aux substances dangereuses (REACH, POP, RoHS, etc.).

En outre, les gains environnementaux obtenus sur les différentes caractéristiques environnementales des produits (fiabilité, durabilité, réparabilité, etc.) sont parfois générés par l’utilisation de substances chimiques. D’éventuelles restrictions sur la présence de substances préoccupantes dans le ESPR doivent tenir compte des arbitrages nécessaires entre les différents critères environnementaux réalisés au stade de la conception des produits, telles que l’intégration de matières recyclées, la consommation d’énergie ou la durabilité.

Pour ces différentes raisons, il nous paraît essentiel que le règlement REACH reste le principal instrument pour réglementer la présence de substances dangereuses dans les produits et que les exigences prévues par le ESPR soient définies au cas par cas dans les différents actes délégués, afin de réglementer les substances et informations pertinentes pour chacune des différentes catégories de produits. Par ailleurs, ces substances devraient être identifiées sur la base de considérations autres que leurs seules propriétés toxiques afin de prévenir toute difficulté d’articulation avec les réglementations qui y sont spécifiques.

Passeport numérique des produits

Nous saluons le caractère dynamique du passeport numérique des produits, qui intègre la mise à jour de celui-ci par certains acteurs, autres que le metteur en marché, qui interviennent au cours du cycle de vie. Il est nécessaire que le passeport tienne compte de la vie du produit et assure une traçabilité des modifications opérées, notamment pour assurer l’identification des responsabilités en cas de non-conformité.

L’utilisation des données contenues dans le passeport numérique tout au long de la vie du produit, notamment en cas de réparation ou en fin de vie, nécessitera de veiller au maintien de leur qualité. Le règlement et ses actes délégués devraient garantir que les données utilisées lors d’une mise à jour du passeport par un autre acteur que le metteur en marché soient suffisamment fiables et fassent l’objet d’un contrôle adapté.

Destruction des invendus

La rédaction de l’article 20 relatif à la destruction des produits de consommation invendus n’exclut pas les produits commercialisés dans le cadre de locations qui pourraient être mis au rebut en fin de vie sans avoir fait l’objet d’une vente. Par ailleurs, la définition de « destruction » à l’article 2 n’inclut pas la remise à neuf parmi les exemptions. Une clarification du champ d’application de cet article nous apparaît donc nécessaire.

 

[1] Manifeste pour une industrie de proximité au cœur de la transition écologique, accessible sur le site de la FIM
[2] Voir en ce sens le document publié en mars 2022 : Annex: Technical Screening Criteria, accessible à cette adresse
[3] Pour les seules substances classées à l’annexe VI, partie 3, du règlement (CE) n° 1272/2008

A télécharger

Position FIM_Proposition de règlement sur l'éco-conception de produits durables_202210.pdf

Contact

Arthur VANDENBERGHE - avandenberghe@fimeca.org

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