7 janvier 2020

Il relève de la responsabilité des dirigeants que les tâches gagnent en valeur ajoutée

MécaSphère

Placer l'être humain au coeur du processus industriel, c'est l'un des enjeux de l'Industrie du Futur. Paradoxalement, au moment où la montée en compétence, la place centrale de l'opérateur dans les process de production et la co-conception des postes de travail deviennent des éléments clés de la modernisation des usines, le risque est grand de voir les outils numériques être conçus, réalisés, standardisés et déployés par des "sachants de la digitalisation". Et ce, sans qu'ils tiennent compte du savoir-faire des principaux utilisateurs.

Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre qualifiée, il peut être en effet tentant d’utiliser le numérique pour assister totalement l’opérateur, au point qu’il devienne une simple main guidée par le système. On serait alors passé complètement à côté d'un des éléments clés de l'Industrie du Futur ; pire, cela pourrait remettre en cause les gains de compétitivité attendus.

Le design du travail consiste justement à associer les opérateurs à la définition de leur propre travail : dès la conception du produit et le choix des technologies de fabrication, puis dans la gamme, la mise au point des standards et enfin pour le poste de travail. Cette démarche doit être mise en oeuvre par une équipe transverse qui comprend le bureau d’études, les méthodes, l’ergonome, la maintenance, constituée autour d’un ou plusieurs opérateurs.

Il s'agit dans le design du travail d'englober dans la notion de client celui qui réalise le travail. On change alors de regard sur la contribution de l’opérateur qui cesse d’être une simple utilité concourant au processus productif, et devient une ressource clé pour la réalisation du produit.

Il relève de la responsabilité des dirigeants d’entreprises de s’assurer que les tâches gagnent en valeur ajoutée pour les opérateurs qui les réalisent. Autrement dit, les paramètres à prendre en compte dans la définition d’une opération de travail ne sont pas seulement l’efficience et la productivité immédiates. Il faut aussi y introduire la capacité pour chacun d’y apporter sa contribution, dès sa définition. L’enjeu est à la fois l’attractivité de l’industrie, la performance et la productivité à moyen-long terme, et surtout la motivation des salariés. Cela permet de prendre pleinement conscience de l'étendue de leur rôle.

François Pellerin, Chercheur associé, Chaire Futurs de l'Industrie et du Travail, Mines Paristech

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